“Un bilan de santé avant la croisière” Vinh Ngo.
Le Dr Vinh Ngo, directeur du Ciamt, nous livre ses précieux conseils pour naviguer en sécurité en 2025. Fort de ses 25 années d’expérience dans l’accompagnement médical, il partage sa vision moderne de la prévention santé pour les plaisanciers.
Docteur Ngo, quels sont selon vous les défis sanitaires majeurs pour les plaisanciers en 2025 ?
Dr Vinh Ngo : Les enjeux ont considérablement évolué ces dernières années. Nous observons trois tendances majeures : d’abord, l’augmentation des navigations en solitaire ou en équipage réduit, ce qui accroît les risques en cas d’urgence médicale. Ensuite, l’allongement des croisières avec des plaisanciers qui s’aventurent plus loin et plus longtemps qu’auparavant. Enfin, le vieillissement de la population des navigateurs, avec des équipages parfois âgés de plus de 60 ans qui présentent des pathologies chroniques.
Concrètement, comment bien préparer sa santé avant un départ en mer ?
Dr Vinh Ngo : La préparation médicale commence plusieurs semaines avant l’embarquement. Je recommande un bilan de santé complet chez son médecin traitant, surtout après 50 ans. Il faut vérifier l’état cardiovasculaire – c’est crucial car les urgences cardiaques représentent 30% des évacuations médicales en mer. Pour les personnes sous traitement chronique, prévoir au minimum trois mois de médicaments et demander une ordonnance de secours.
N’oublions pas les vaccinations : selon la zone de navigation, il peut être nécessaire de mettre à jour ses vaccins contre l’hépatite A et B, la typhoïde, ou encore la fièvre jaune pour certaines destinations tropicales.
La trousse médicale reste-t-elle indispensable en 2025 ?
Dr Vinh Ngo : Absolument ! Et même si la réglementation impose une trousse basique au-delà de 6 milles d’un abri, je conseille vivement de l’adapter à son programme de navigation. Pour une navigation côtière, une trousse contenant des antalgiques, anti-inflammatoires, pansements et désinfectants suffit. Mais pour du hauturier, il faut prévoir bien plus : antibiotiques à large spectre, antispasmodiques, médicaments contre le mal de mer, matériel de suture, attelles…
La nouveauté 2025, c’est l’intégration d’outils connectés : thermomètre digital, tensiomètre portable, voire un défibrillateur automatique pour les navigations au long cours.
Justement, que pensez-vous de ces nouvelles technologies médicales embarquées ?
Dr Vinh Ngo : C’est une révolution ! Les applications de télémédecine permettent aujourd’hui de consulter un médecin depuis n’importe où en mer, sous réserve d’avoir une connexion satellite. Le Centre de Consultation Médicale Maritime de Toulouse reste disponible 24h/24, mais ces nouveaux outils complètent parfaitement ce service.
Les montres connectées qui surveillent le rythme cardiaque et détectent les chutes sont particulièrement utiles pour les navigateurs solitaires. En cas d’anomalie, elles peuvent déclencher une alerte automatique.
Quels sont vos conseils pour gérer les pathologies les plus fréquentes à bord ?
Dr Vinh Ngo : Le mal de mer reste le grand classique ! En 2025, nous disposons de nouveaux patchs transdermiques très efficaces à appliquer 6 heures avant l’embarquement. Pour les réfractaires, les bracelets d’acupression donnent de bons résultats.
Les traumatismes – coupures, contusions, entorses – représentent 40% des incidents. D’où l’importance de bien connaître les gestes de premiers secours et d’avoir des pansements hémostatiques dans sa trousse.
Attention aussi aux coups de soleil et à la déshydratation : en mer, on ne ressent pas toujours la soif. Je préconise de boire 500ml d’eau par heure d’exposition au soleil, et d’utiliser une crème solaire indice 50+ renouvelée toutes les 2 heures.
Comment prévenir les urgences cardiaques en mer ?
Dr Vinh Ngo : C’est ma principale préoccupation. Un infarctus en pleine mer, c’est souvent dramatique. La prévention passe par un dépistage préalable : électrocardiogramme, épreuve d’effort si nécessaire. Je déconseille formellement la navigation au large sans aptitude médicale pour les personnes ayant des antécédents cardiovasculaires.
À bord, il faut connaître les signes d’alerte : douleur thoracique, essoufflement anormal, malaise. Et avoir de l’aspirine dans sa trousse – 500mg à croquer en cas de suspicion d’infarctus en attendant les secours.
Quels conseils spécifiques donneriez-vous aux femmes navigatrices ?
Dr Vinh Ngo : Les femmes représentent désormais 35% des plaisanciers, c’est formidable ! Mais elles ont des besoins spécifiques. En cas de règles douloureuses, prévoir des antispasmodiques adaptés. Pour les navigations tropicales, attention aux infections urinaires favorisées par la chaleur et l’humidité – canneberge et probiotiques en prévention.
Les femmes enceintes peuvent naviguer jusqu’au 6ème mois, mais uniquement en navigation côtière et avec l’accord de leur gynécologue.
Et pour les familles avec enfants ?
Dr Vinh Ngo : Les enfants adorent naviguer, mais ils nécessitent une vigilance particulière. Adapter les dosages médicamenteux à leur poids, prévoir des solutés de réhydratation en cas de gastro, et surtout être très strict sur la protection solaire – leur peau est plus fragile.
Un point crucial : apprendre aux enfants les bases de la sécurité et s’assurer qu’ils sachent nager correctement avant d’embarquer.
Vos recommandations pour une alimentation saine à bord ?
Dr Vinh Ngo : L’alimentation en mer nécessite quelques adaptations. Privilégier les aliments riches en magnésium et potassium pour limiter les crampes. Éviter l’alcool en excès qui favorise la déshydratation. Et attention à la conservation des aliments par forte chaleur – les intoxications alimentaires sont fréquentes !
Je recommande les conserves de qualité, les fruits secs, et de bien s’hydrater avec de l’eau minérale plutôt qu’avec l’eau des réservoirs du bord.
Comment gérer le stress et la fatigue lors de longues navigations ?
Dr Vinh Ngo : C’est un aspect souvent négligé mais crucial. La fatigue et le stress sont des facteurs d’accidents majeurs. Je préconise des quarts organisés pour maintenir un sommeil réparateur – 3 heures de quart, 6 heures de repos minimum.
Les techniques de relaxation et de méditation, accessibles via des applications mobiles, sont très efficaces. Et n’hésitez pas à faire des escales plus fréquentes si nécessaire – mieux vaut arriver en forme que risquer l’épuisement.
Un dernier conseil pour nos lecteurs navigateurs ?
Dr Vinh Ngo : N’oubliez jamais que la mer ne pardonne pas les négligences. Mieux vaut être trop prudent que pas assez. Avant chaque départ, posez-vous trois questions simples : “Suis-je en forme ?”, “Ma trousse médicale est-elle adaptée ?”, “Ai-je les moyens de demander de l’aide ?”. Si la réponse à l’une de ces questions est négative, reportez votre navigation.
Et surtout, n’hésitez jamais à consulter le Centre de Consultation Médicale Maritime en cas de doute. C’est gratuit, disponible 24h/24, et cela peut vous sauver la vie.
Naviguer, c’est avant tout revenir sain et sauf pour raconter ses aventures !
À retenir :
- Bilan médical obligatoire avant navigation hauturière
- Trousse médicale adaptée à la zone de navigation
- Hydratation : 500ml/heure au soleil
- Protection solaire renforcée (indice 50+)
- Technologies connectées : nouveaux alliés sécurité
- CCMM Toulouse : 24h/24 et 7j/7 au 05 61 32 32 32
Bio express – Dr Vinh Ngo : Diplômé de médecine du travail, Il dirige le service de Santé au Travail du CIAMT depuis 2010.
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